jeudi, décembre 20, 2012

9 janvier 2013 : Antoine Hennion invité du séminaire "la fabrique de la programmation culturelle"


Bonjour à toutes et à tous (et bonne fin d'année au passage)

La troisième séance du séminaire "la fabrique de la programmation culturelle" aura lieu le 9 janvier 2013, 14 h 30 à l'Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle

Antoine Hennion (Directeur de Recherches au CSI de l'école Mines Paris-Tech) y parlera de ses thématiques de recherche lors d'une intervention intitulée "Attachements. Pragmatique du goût"

Le séminaire est présenté en partenariat avec le GDR Opus 2. Le projet de recherche est soutenu par le DEPS (ministère de la culture) la ville de Nantes et le Conseil régional des Pays de la Loire.

C'est donc le 9 janvier 2013 à 14 h 30
Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle
Salle Las Vergnas/3e étage
13 rue de Santeuil 75005 Paris.
Métro Censier


La salle Las Vergnas se situe au dessus de la bibliothèque universitaire c’est à dire dans l’aile droite du bâtiment (quand on se trouve devant l’entrée principale)

Page Facebook du projet

mardi, novembre 27, 2012

Le 5 décembre 2012 : 2e séance du séminaire "la fabrique de la programmation culturelle"




La deuxième séance du séminaire "la fabrique de la programmation culturelle" aura lieu le
5 décembre 2012, 14 h 30 à l'Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle.
Dominique Leroy (Professeur émérite à l'Université d'Amiens) parlera de  "la programmation théâtrale dans le Paris du 19e siècle". À cette occasion, il présentera un DVD consacré notamment à cette thématique et à paraître prochainement.

Le séminaire est présenté en partenariat avec le GDR Opus 2. Le projet de recherche est soutenu par le DEPS (ministère de la culture) la ville de Nantes et le Conseil régional des Pays de la Loire.

C'est donc le 5 décembre 2012 à 14 h 30
Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle
Salle Las Vergnas/3e étage
13 rue de Santeuil 75005 Paris.
Métro Censier


La salle Las Vergnas se situe au dessus de la bibliothèque universitaire c’est à dire dans l’aile droite du bâtiment (quand on se trouve devant l’entrée principale)

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La première séance est en vidéo et en ligne ici

Séance suivante le 9 janvier 2013  avec Antoine Hennion (Directeur de Recherches au CSI de l'école Mines Paris-Tech) : "Attachements. Pragmatique du goût"


lundi, novembre 19, 2012

22/11/2012 : présentation de la fabrique de la programmation culturelle à Dijon


Dans le cadre des jeudi(s) de l'actu de l'Institut Denis Diderot, où j'enseigne depuis début septembre, je présenterai l'enquête “la fabrique de la programmation culturelle" le jeudi 22 novembre 2012 à 14 heures. 
Cette enquête de terrain -dont j'ai déjà parlé sur ce blog- dispose désormais de sa page Facebook. On y trouve notamment la présentation du projet (téléchargeable en PDF), des albums de photos réalisés par Catherine Dutheil-Pessin (qui co-dirige cette étude) et moi-même, ainsi que les vidéos de notre séminaire mensuel.

C'est donc le 22 novembre 2012 à 14 h dans l'amphithéâtre de l'Institut Denis Diderot 36 rue Chabot Charny à Dijon (21000). Téléphone : 03.80.58.98.54  scoliupm@u-bourgogne.fr
Pour venir à l'Institut ;
En voiture : localisation GPS - Latitude : 47.319021 / Longitude : 5.043191699999966
Par le train : gare SNCF de Dijon. Puis accès par le réseau DIVIA depuis la gare de Dijon


vendredi, octobre 26, 2012

7 novembre 2012 à 14 h 30 : séminaire "la fabrique de la programmation culturelle


 











La première séance du séminaire "la fabrique de la programmation culturelle" aura lieu
le 7 novembre 2012, 14 h 30 à Paris. Catherine Dutheil-Pessin (Professeure de sociologie à Grenoble II) et moi-même présenteront notre étude "la fabrique de la programmation culturelle" et ses enjeux.


 C'est donc le 7 novembre 2012 à 14 h 30
Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle
Salle Las Vergnas/3e étage
13 rue de Santeuil 75005 Paris.
Métro Censier

La salle Las Vergnas se situe au dessus de la bibliothèque universitaire c’est à dire dans l’aile droite du bâtiment (quand on se trouve devant l’entrée principale)

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vendredi, octobre 19, 2012

novembre 2012 à mars 2013 : séminaire "la fabrique de la programmation culturelle"

Résumé

L'étude « la fabrique de la programmation culturelle » s'intéresse à la façon dont des programmateurs (trices), travaillant dans des dispositifs publics se forment puis  – dans le cadre de leurs fonctions – sélectionnent des spectacles et des équipes artistiques. Nous nous intéressons donc aux modalités – cognitives, techniques, collectives, politiques – par lesquelles ces spectacles en viennent à représenter « l'excellence artistique » et la politique culturelle publique. Le séminaire abordera des thématiques liées à l'enquête telles que le goût et la qualité artistique, la mise en œuvre (historique et / ou concrète) de cette expertise spécifique, les relations entre programmation culturelle et intérêt général.
Annonce

Présentation

Dans le cadre de l'étude « la fabrique de la programmation culturelle », un séminaire mensuel et public se déroulera à l'Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, de novembre 2012 à février 2013.
Cette enquête de terrain s'intéresse à la façon dont des programmateurs (trices), travaillant dans des dispositifs publics se forment puis -dans le cadre de leurs fonctions- sélectionnent des spectacles et des équipes artistiques. Nous nous intéressons donc aux modalités -cognitives, techniques, collectives, politiques- par lesquelles ces spectacles en viennent à représenter « l'excellence artistique » et la politique culturelle publique. Le séminaire abordera des thématiques liées à l'enquête telles que le goût et la qualité artistique, la mise en œuvre (historique et/ou concrète) de cette expertise spécifique, les relations entre programmation culturelle et intérêt général.
L'étude est soutenue par le DEPS (Ministère de la Culture), la ville de Nantes et le Conseil Régional des Pays de la Loire et donnera lieu à un rapport de recherche en octobre 2013.
Le séminaire est organisé dans le cadre du GDR I OPuS 2 (Œuvres, Publics et Société - Groupe de recherche international / CNRS).
Il est animé par Catherine Dutheil-Pessin (professeure de sociologie à l'Université Pierre Mendès France, Grenoble 2) et François Ribac (compositeur et maître de conférences à l'Université de Dijon).
Le temps des interventions sera de 45 mn suivi d'une discussion de la même durée.

L'accès est libre dans la limite des places disponibles.

Programme

7 novembre 2012, 14 h 30, Salle Las Vergnas

  • Catherine Dutheil-Pessin (Professeure de sociologie à Grenoble II) et François Ribac (compositeur et maître de conférences à l'Université de Dijon) :
    Présentation de l'étude "la fabrique de la programmation culturelle" et de ses enjeux.

5 décembre 14h 30 Salle Las Vergnas

  • Dominique Leroy (Professeur émérite à l'Université d'Amiens) :  "la programmation théâtrale dans le Paris du 19e siècle"

9 janvier 2013, 14 h 30, Salle Las Vergnas

  • Antoine Hennion (Directeur de Recherches au CSI de l'école Mines Paris-Tech) : "Attachements. Pragmatique du goût"

6 février 2013, 14 h 30, Salle Las Vergnas

  • Emmanuel Wallon (Professeur de sociologie politique à l'Université de Paris-Ouest -Nanterre) : " Programmation culturelle et gouvernance locale"

20 mars 2013, 14 h 30, Salle Las Vergnas

  • Harry Collins (Professor at the School of Social Sciences at Cardiff University) ;  "Qu'est-ce que l'expertise interactionnelle ?"
(Séance co-organisée avec le Séminaire de Sciences Économiques et Sociales de Telecom ParisTech)

Lieu

Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle
Salle Las Vergnas/3e étage
13 rue de Santeuil 75005 Paris.
Métro Censier

La salle Las Vergnas se situe au dessus de la bibliothèque universitaire c’est à dire dans l’aile droite du bâtiment (quand on se trouve devant l’entrée principale)

Présentation du projet de recherche  

lundi, mai 14, 2012

Quelques liens et remises à jour















1 Deux recensions consacrées à mon dernier livre (réalisé en collaboration avec Giulia Conte) Les stars du rock au cinéma parues respectivement dans Jazz News et Sociologie de l'art  ici.

2 Entretien/Poscast avec Andy Partridge : à la suite de la disparition de Megaupload les liens permettant de télécharger ma conversation avec Andy Partridge (en 2002) avaient disparu. Les nouveaux sont ici

3 Une conférence lors des journées d'étude "Interphone” organisées conjointement par Why Note (à Dijon), le réseau Futurs Composés et le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine (CDMC) avait également disparu. Intitulée Quelques réflexions sur la politique publique en matière de musique et de sa déclinaison dans les territoires on peut de nouveau l'écouter ICI




mardi, mars 27, 2012

L'histoire du rock au prisme du cinéma le 4 avril à Paris

Dans le cadre du Séminaire l'histoire sociale du rock organisé par Florence Tamagne et Arnaud Bauberot, j'interviens le 4 avril à 14h. J'y parlerai de la façon dont le cinéma forge et reconstruit sans cesse l'histoire du rock. Ce même jour, Maud Berthommier évoquera la dimension littéraire de la critique rock nord-américaine.
Le programme complet du séminaire se trouve ici

C'est donc le 4 avril à 14 h dans l'amphithéâtre au Centre Malher 9 rue Malher 75004 Paris, métro Saint-Paul.

jeudi, février 23, 2012

Les moniteurs de la musique populaire







Je reproduis ci-dessous un texte rédigé pour l'ouvrage Enseigner les musiques actuelles ? publié par le collectif Recherches en Pédagogie Musicale RPM.


Les moniteurs de la musique populaire


1 Qu'est-ce qu'un moniteur ?

Une à deux fois par semaine je me rends à la piscine pour effectuer une demi-heure de natation1. La plupart du temps, le grand bassin de 25 mètres est partagé en deux. D'un côté, un espace dédié aux visiteurs ordinaires (dont je suis) et, de l'autre, trois couloirs réservés aux nageurs (euses) inscrits dans le club local de natation. Lorsque j'effectue mes brasses, mon attention est presque à chaque fois attirée par cette partie du bassin où un entraîneur prodigue d'une voix tonitruante encouragements et remontrances aux licencié-es du club. En général, celui-ci marche le long des couloirs et, tout en parlant aux nageurs, leur montre aussi bien les mouvements qu'ils (elles) effectuent dans l'eau que la façon dont ils doivent les corriger. Ce qui m'épate toujours c'est la façon dont l'entraîneur arrive à simuler debout ou au sol les mouvements de la nage et l'impact immédiat que cela a sur les nageurs. En fait, l'entraîneur sert tout à la fois de miroir, de mémoire et de conseiller (parfois implacable). Par là même, il leur permet aux licenciés du club de natation de prendre conscience de leur corps et de trouver de nouvelles sensations. Au sens strict, le moniteur aide le sportif à réfléchir à ce qu'il ou elle fait et, chose capitale, avant comme après l'effort.

Cette relation avec un moniteur nous l'avons tous expérimenté et en particulier dans des situations d'apprentissage : lorsque nous avons appris à marcher puis à parler, à l'auto-école, lors d'un cours de (n'importe quelle) musique, au cours de yoga, à l'école de danse, au club de fitness etc. Dans ces deux derniers cas, l'enseignant/moniteur est systématiquement assisté par un miroir qui donne aux élèves et à l'enseignant-e la possibilité de se regarder en temps réel et par conséquent de s'observer sous des angles que leur propre corps les empêche de voir normalement. Fascinante collaboration où le prof, le miroir et les élèves (s') apprennent de concert.

Lorsque l'on parle de moniteur, nombre d'entre nous pensent également à la petite télévision qui, justement, est installée en face de la chaise surélevée d'où le maître nageur de ma piscine surveille la baignade. Tout comme le miroir des danseurs, le moniteur/télé complète le regard du maître nageur lui permettant de surveiller des endroits de la piscine éloignés et de réactiver sa vigilance si celui-ci relâche un peu son attention (c'est dur de rester concentré des heures entières lorsque l'on est immobile). Si par malheur, un accident survient dans un des bassins, la commission de sécurité visionne les enregistrements effectués par les caméras de surveillance non seulement pour déterminer des responsabilités mais aussi pour émettre de nouvelles préconisations afin d'optimiser la sécurité des usagers. Là encore le moniteur est utile en temps réel comme en temps différé.

En résumé, toutes les sortes de monitorat (humains, machines, association des deux) nous aident à appréhender le monde et -pour reprendre une expression chère aux sportifs- à nous dépasser.


2 Le phonographe est un maître nageur

Dès son apparition, en 1877, le phonographe, qui enregistrait et diffusait, a documenté la musique et permis de “monitorer” la musique.

En premier lieu, il est devenu possible de capturer et de réécouter de la musique qu'auparavant on ne pouvait rencontrer qu'au moment où elle était jouée, autrement dit l'enregistrement a permis de patrimonialiser la musique, y compris celle qui recourait à la partition.

Deuxièmement, l'enregistrement a donné accès à des répertoires qui n'étaient pas accessibles à l'endroit où à l'époque où l'on vivait, ouvrant alors la possibilité de découvrir (et d'aimer follement) la musique des autres.

De ce fait, les cylindres puis les disques enregistrés ont permis aux auditeurs de se familiariser avec les répertoires, de repérer des détails dans l'interprétation et plus généralement de comparer des disques entre eux ou encore des répertoires enregistrés avec des performances. Autre façon de dire cela ; il est devenu possible de s'imprégner et de jouir à volonté de la musique, à des moments librement choisis et sans forcément jouer soi-même d'un instrument.

Quatrièmement et conséquemment aux points précédents, la diffusion de supports enregistrés a soutenu la naissance de communautés d'intérêt (les fans de Caruso, des Beatles, de Madonna, de DJaying, des groupes de rock etc.) qui se retrouvent grâce à des lieux (appartements, magasins, concerts, lieux de réunions, quartiers etc.) et/ou des réseaux de communications (la diffusion d'un live à la radio, un forum de fans sur le Net).

En fait, le phonographe et ses héritiers nous permettent de réfléchir (à) la musique et donc de développer notre compétence d'auditeur (trice). Ceux qui opposent de façon manichéenne l'authenticité du “live” (raison pour laquelle on a rajouté un “vivant” à spectacle) à la froideur supposée des disques oublient les liens indéfectibles qui unissent ces deux pôles et plus généralement la performance et les enregistrements. Ce qui est vrai pour les auditeurs l'est aussi pour les musicien (nes) et en particulier dans les divers galaxies des musiques populaires. Prenons quelques exemples.

En 2001 Gary Giddins a publié une biographie du crooner américain Bing Crosby (1903-1977)2. À la lecture du livre, on s'aperçoit que Crosby a tôt commencé à chanter avec la radio, qui dès les années vingt était très présente aux USA, puis qu'il a également beaucoup utilisé le gramophone familial pour apprendre des chansons et l'accompagner lorsqu'il chantait. Une fois sa vocation éveillée, et alors qu'il chantait déjà assez bien, il a fondé un groupe avec des amis rencontrés à l'université. Un peu plus tard encore, un premier engagement au long cours dans un spectacle où se produisaient plusieurs artistes, lui a permis de se roder à la scène.

Rendons nous désormais dans l'Angleterre des années cinquante où des Cartney, des Keith Richards et des milliers d'autres découvrent de fabuleux disques de rock'n'roll et/ou de rythm'n'blues venus des USA. Que se passe t-il alors ? Ils se font offrir une guitare et un Dansette (un petit électrophone portable de la marque Decca) et passent des jours entiers dans leurs chambres à imiter Chuck Berry, Buddy Holly, Eddie Cochran, Elvis Presley. Lorsqu'ils ne comprennent pas ce que leurs idoles jouent, ils ralentissent le pick up de façon à mieux distinguer le phrasé des guitares et à les repiquer parfaitement. De plu, grâce au Dansette, ils se paient le luxe d'être accompagnés par Chuck Berry et son orchestre dans leur chambre ! Ce faisant, Paul et Keith acquièrent non seulement des bases guitaristiques et de chant mais aussi les rudiments du vocabulaire du rock'n'roll. Dans la foulée, ils composent très vite leurs premiers morceaux mais pas exactement à la manière de leurs modèles (ou si vous préférez leurs idoles), non. Paul intègre par exemple des éléments plus liverpooliens et notamment un style vocal inspiré de la musique vocale irlandaise très présente dans son environnement, Keith convertit sa connaissance des solos de Chuck Berry en redoutables riffs. Après quoi, et comme des millions qui ne sont pas devenus professionnels, Keith et Paul rencontrent d'autres fans de disques de rock'n'roll américain (Mick Jagger pour l'un, John Lennon et George Harrison pour l'autre) avec qui ils fondent des groupes. Dès qu'ils le peuvent, ces groupes achètent un magnétophone, s'en servent pour mémoriser leurs idées et s'enregistrer. Après avoir signé un contrat avec une firme de disques, ils cessent rapidement d'enregistrer des morceaux des autres et privilégient, avec l'accord de leurs maisons de disques, leurs propres compositions. Un peu plus tard encore (1965 ? 1966 ?), ils arrivent en studio avec quelques idées éparses (une suite d'accord, un riff, un rythme, une improvisation etc.) et brodent devant les micros. À partir de là, ils rectifient les erreurs, improvisent avec les bandes, font trois variations différentes, discutent avec les techniciens, développent une idée imprévue et peu à peu le morceau se prend forme. Le film de Godard One + One de 1969 où l'on voit le Rolling Stones composer “Sympathy for the devil“ rend bien compte de cet “atelier de travail rock” (que l'on retrouve aujourd'hui dans tous les home studios de la planète).

3 De l'instruction publique à la performance

En fait, les disques et les appareils de lecture -domestiques ou professionnels- les Cubase3 et Youtube sont bien les instructeurs des musicien-nes de musique populaire, ce sont eux qui -comme les maîtres nageurs et les miroirs des danseurs- guident les apprentis lors de leurs premiers pas en rock, techno, hip hop, world music et leurs hybrides. Ce sont toujours eux qui les renseignent sur ce qu'ils (elles) produisent et les incitent à s'améliorer. Grâce à ces alliés, les musicien-nes de musique populaire façonnent leurs morceaux par étapes, improvisent avec des pistes enregistrées comme ils le feraient (ferions) avec les membres de leur groupe dans un local de répétition. Grâce à l'aide de ces auxiliaires, et là encore comme à la piscine, les amateurs passent du statut d'imitateurs à celui de créateurs : ils et elles tracent leur propre chemin dans l'eau. Ce qui, précisément, fait la spécificité des musiques populaires c'est cet usage des machines et de répertoires enregistrés, le fait que des objets de consommation culturelle sont utilisés comme des outils d'apprentissage et d'acculturation alors même que ceux qui les utilisent n'ont pas véritablement conscience d'être en situation éducative.

Depuis le début des années 70, la place des supports enregistrés et des machines s'est encore un peu plus étendue4. En effet, le fait de jouer de la platine-disques dans sa chambre s'est transporté dans l'espace public, est devenu une performance, un geste instrumental. Utilisant les musiques de ceux qui les avaient précédés comme des matériaux, les DJ et les scratcheurs de hip hop ont fait de la musique déjà enregistrée un élément central de la composition et de la performance. Un peu plus tard, la techno (qu'on appelle pas house music pour rien) a généralisé ce principe : désormais le son généré par des machines est non seulement au cœur de la fabrication des musiques populaires mais également omniprésent sur les scènes. Dans ce cadre, l'hybridation des styles musicaux n'est plus seulement le résultat du croisement d'influences (comme on disait encore il y a peu) mais aussi des mixages de musiques existantes opérés avec les échantillonneurs, logiciels, magnétophones, platines. Opérations facilitées par la fluidité et la maniabilité des fichiers numériques et des réseaux de circulation (de la clé Usb au Net). Au delà des seuls supports, la diffusion des techniques d'enregistrement est tellement naturalisée que même ceux qui s'y opposent ne se rendent pas compte qu'elle est devant eux. Demandez à tel organisateur de concert qui vante la supériorité du live d'où viennent les systèmes de retour, la console, l'ingénieur du son, les DI5, la prise de son en proximité de la batterie. Tout cela vient des studios 6! Tout comme la platine-disque vient de la chambre des adolescent-es, et la console des studios d'enregistrements, les performances de musique populaire sont le résultat de la transformation par des amateurs d'activités privées, confinées, en spectacles publics, d'une translation du privé au public.


4 Que faire lorsque l'on mène des politiques publiques ?

En 2005/2007, j'ai mené une enquête en Seine-Saint-Denis, Yvelines et à Nantes sur la façon dont des jeunes musiciens et musiciennes né-es aux alentours de 1980 avaient appris la musique. J'ai retrouvé les manières que j'ai (rapidement) décrites plus haut : usages intensifs des magnéto-cassettes, imitation des modèles, concordance de l'amour des enregistrements avec la formation de groupes, manipulation tout azimuts du son et fabrication de leurs musiques par des jeunes artistes ambitieux(euses) et passionné-es. Dans un environnement marqué par le Web, j'ai pu constater que les membres du panel s'appuyaient sur les formes de mutualisation en ligne (Peer to Peer, forums de discussion, sites Internet, MySpace etc.) et les médias (TV, radio) pour faire venir à eux les ressources que leurs ainés rockers avaient jadis trouvé dans les disques vinyles. Cependant, l'enquête a aussi montré que ceux et celle qui étaient né-es dans des familles pauvres (c'est-à-dire souvent immigrées) n'avaient pas eu accès à des appareils d'écoute domestiques lors de leur enfance, pas plus qu'ils (elles) n'avaient de connexion Internet et d'ordinateur au moment où j'ai mené mon enquête. Pour le dire autrement, alors que les médiathèques leurs proposaient des “CD de qualité”, ils et elles n'avaient pas de quoi les écouter. Alors que les municipalités leurs proposaient des locaux de répétitions, certains rappeurs et rappeuses avaient aussi besoin d'une connexion Internet et d'un micro ordinateur afin de récupérer des instrus pour poser leur flows7 , composer leur musique et ouvrir une page MySpace. En d'autres termes, quelle que soit ses qualités, l'offre publique discriminait les plus démunis ou, pour le dire autrement, concentrait les ressources dans des bâtiments (salles de concerts, lieux de répétitions, centres de ressources, médiathèques) et privilégiait la prescription de bons contenus. Or, dans le monde où nous vivons comme dans celui de Bing Crosby (c'est-à-dire bien avant le “numérique”), l'équipement culturel des musiques populaires se situe au moins autant dans les chambres que dans les lieux de spectacles, l'accès aux instruments de reproduction sonore est au moins aussi vital que les répertoires. Puisque les usages du phonographe, des médias et du Web (et non pas ces réseau en eux-mêmes) favorisent l'expression de soi et encouragent la naissance de nouveaux collectifs, une politique en faveur de ces mondes -si fertiles- doit nécessairement prendre en compte l'accès à ces outils et cesser de les ignorer ou pire encore de les considérer comme des dangers8.

François Ribac

(Ref : Les moniteurs de la musique populaire” p.51-56 in Enseigner les musiques actuelles ? RPM Éditions, Paris 2012.)


1 La métaphore entre l'apprentissage de la natation et l'éducation musicale a déjà été utilisée, et avec pertinence, par Noémi Lefebvre dans “De la natation appliquée à l'éducation musicale” P. 9 à 20 in Cahiers

2 Gary Giddins Bing Crosby, a pocketful of Dreams : The Early Years, 1903-1940. Little, Brown and Company. Boston, New York, & London 2001

3 Cubase est un logiciel qui permet tout à la fois de s'enregistrer, de piloter des sons générés électroniquement, d'écrire -au moyen de différentes interfaces graphiques- des compositions et de jouer et modifier ce que l'on a produit.

4Pour une étude récente de cet apprentissage avec les supports voir Lucy Green How popular musicians learn, a way ahead for music education Ashgate Publishing Limited. Aldershot (UK), Burlington (USA) 2001 et mon enquête La circulation et l'usage des supports enregistrés dans les musiques populaires en Ile de France (2007, étude financée par le Ministère de la Culture, le programme interministériel Culture et territoires en Ile de France et le Conseil général de Seine-Saint-Denis) http://www.irma.asso.fr/La-circulation-et-l-usage-des

5D. I = direct injection, système permettant d'envoyer directement dans une console le signal qui sort d'un instrument électrique.

6 Sur ce mouvement de translation l'ouvrage pionnier : H.Stith Bennet On becoming a rock musician University of Massachussets Press Amherst 1980

7 Le flow désigne les textes que les rappeurs posent sur les instrus, nom donné aux accompagnements.

8 Ce texte a été achevé au moment où en l'espace d'un mois les jeunesses Tunisiennes et Égyptiennes ont fait tomber deux dictatures féroces avec des manifestations de masse et Facebook.

mercredi, janvier 11, 2012

Nouvelle enquête de terrain : la fabrique de la programmation

En ce début d'année (que je vous souhaite belle et fracassante), je débute une nouvelle enquête de terrain intitulée la fabrique de la programmation culturelle. Je mènerai ce travail de 2 ans avec Catherine Dutheil-Pessin, professeure de sociologie à l'Université de Grenoble et Andreï Mogoutov, attaché au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et à l'Institut Francilien Recherche Innovation Société (IFRIS). En parallèle à l'étude, un séminaire public permettra de donner la parole à des professionnels et à des universitaires et, bien entendu de dialoguer. Cette recherche est d'ores et déjà financée par le Département des Études, de la Prospective et des Statistiques (DEPS) du Ministère de la Culture, la Ville de Nantes et la Région des Pays de la Loire. C'est d'ailleurs dans cette région que l'étude se déroulera. Voici la présentation du projet.

La fabrique de la programmation culturelle


Une recherche menée par François Ribac, Catherine Dutheil-Pessin et Andreï Mogoutov.


I PROBLÉMATIQUE

Introduction

Depuis environ une trentaine d'années, le nombre de lieux dédiés aux spectacles et bénéficiant du soutien financier de l'État et/ou de collectivités territoriales n'a cessé de croître en France. Cet essor continu de la proposition publique de spectacles s'est accompagné d'une diversification des genres artistiques promus (théâtre, danse, musique classique, opéra et théâtre musical, musiques populaires et jazz, arts de la rue, arts circassiens, hybrides). Compte tenu de cette extension stylistique, les différents responsables des politiques culturelles publiques ont encouragé la mise en place de dispositifs adaptés aux contraintes techniques, économiques et artistiques des styles et/ou disciplines promues (ex. les salles de musiques actuelles, les centres chorégraphiques nationaux ou les scènes conventionnées et nationales dédiées aux arts de la rue, les centres nationaux de création musicale etc.). Si la forme “canonique” – une programmation déclinée lors d'une saison dans une salle de spectacle- ne semble pas être menacée, les dispositifs publics ont néanmoins tendance à diversifier la forme et la temporalité de leurs propositions (ex. les festivals, les arts de la rue, les déambulations dans des paysages non urbains ou les programmations qui circulent au sein d'un territoire, les friches etc.). Assez logiquement, ce développement tous azimuts a coïncidé avec l'accroissement du nombre de professionnels impliqués dans ces différents mondes, une diversification des compétences qui, on ne le souligne pas assez, implique tout autant les artistes que les autres professionnels du spectacle.

On peut sans doute établir une relation entre cette extension/mutation de la sphère publique et la fortune de la notion de spectacle vivant, une étiquette qui en est venue à représenter les différentes composantes techniques, humaines, territoriales, politiques discursives, stylistiques qui composent cette vaste cosmogonie. Signe de l'inclinaison du politique pour des actions qui donnent à voir son action, le spectacle vivant est de plus en plus présenté comme l'incarnation de la politique culturelle et même souvent assimilé à la “culture” dans nombre de discours. Une tendance d'autant plus forte que nombre de professionnels présentent le spectacle vivant (au sens hétérogène où il a été défini plus haut) comme une alternative aux industries culturelles et aux médias et les dispositifs publics comme des lieux où une sociabilité authentique peut s'affirmer et se développer. En d'autres termes, on oppose la vraie culture publique à la celle promue par l'industrie et les marchands (i e privée).

1 Une multitude d'acteurs et de problématiques

La déclinaison publique du spectacle vivant implique une très grande variété de compétences (intellectuelles, artistiques, technologiques, organisationnelles, communicationnelles, institutionnelles), de lieux et de collectifs de production (salles, festivals fixes ou itinérants, associations, compagnies, orchestres) d'institutions dédiées à la définition, à la mise en œuvre et au financement des politiques publiques (collectivités, ministères, fondations des sociétés d'auteurs et d'interprètes, regroupements de professionnel-les, syndicats), les structures dédiées à l'éducation, la formation, la collecte et la diffusion des ressources (comme l'Irma ou le CNT) sans oublier les diverses expressions du public (de la fréquentation individuelle de la salle à l'association d'usagers en passant par les innombrables déclinaisons de la pratique amateur).

En même temps que ces mondes (et leurs interactions) ont fait florès, un certain nombre d'études à leurs propos ont été menées par des commis de l'État (Rigaud 1996), des personnalités issues du monde du spectacle (Latarjet 2004) et des universitaires. Parmi les principales thématiques que l'on peut repérer dans ce dernier corpus, on mentionnera (sans bien entendu prétendre être exhaustif) l'histoire des politiques culturelles (Poirier 2002, Urfalino 2004), l'économie de la culture (Benahmou 2004), la structure et les définitions des professions artistiques et plus généralement de l'emploi dans le spectacle vivant (Bureau, Perrenoud & Shapiro 2009, Coulangeon 2000 et 2004, Menger 1997), l'étude comparée du travail propre aux milieux artistiques (Menger 2003), la sociologie et l'anthropologie des genres artistiques (Dutheil-Pessin 2004, Faure 2001, Hein 2006, Leveratto 2000 et 2006, Ribac 2004) et de leurs acteurs (Perrenoud 2007), la sociologie de la réception et des publics (Ethis 2002, Coulangeon 2010), les recherches portant sur la dimension urbaine de la culture et de très nombreuses études (conjoncturelles ou prospectives) commandées par des acteurs institutionnels nationaux ou locaux.

De fait, ces différentes perspectives prêtent peu attention aux opérations par lesquelles des spectacles deviennent publics, dans le double sens d'être présentés à une audience (le public) et de circuler dans un espace labellisé par des fonds et des expertises provenant des diverses formes de l'État. En d'autres mots, à l'exception d'une recherche qui a été menée récemment par Philippe Leguern sur les programmateurs de “musiques actuelles” et qui devrait donner lieu à une publication, il n'existe pas d'étude consacrée aux personnes chargées de cette opération essentielle de traduction : les programmateurs.

2 Un acteur essentiel

Dans le monde du spectacle vivant, les personnes en charge de la programmation des spectacles occupent en effet une place sinon stratégique du moins essentielle. Et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, parce ces personnes travaillent dans un endroit capital du modèle républicain : l'équipement public. C'est en effet dans des bâtiments représentant les différentes entités politiques et placés sous leur autorité que -et bien au-delà des seuls spectacles- la volonté publique s'incarne et travaille au bien commun. Par leur capacité à réunir les citoyens, les équipements publics et plus généralement les lieux où l'on se rassemble (la rue où se déroule une manifestation, l'école, le tribunal, l'hôpital) sont en effet considérés comme des lieux où la citoyenneté s'exprime authentiquement. Dans ce cadre, les lieux de spectacles sont considérés comme de véritables bornes d'accès à la culture et les façons dont on s'y retrouve et les œuvres qu'on y prescrit deviennent synonymes de culture authentique, raison pour laquelle leur rayonnement dépasse fréquemment leur environnement immédiat.

Deuxièmement, une exposition dans l'espace public. Dans un monde où les œuvres sont considérées comme des manifestations en acte du service public, ceux et celles qui ont la responsabilité de les choisir (et par conséquent d'en éliminer) occupent une position fondamentale. Si cette responsabilité confère un pouvoir manifeste, elle signifie également qu'en retour les programmateurs sont évalués (et donc critiqués) par toute une série d'acteurs qui jugent leur action au regard de (ce qu'ils estiment être) l'intérêt commun (les tutelles, les spectateurs, les journalistes, les blogueurs, les artistes etc.).

Enfin, la correspondance (fréquente mais pas systématique) entre tâches de programmation et management. Dans toute une série d'établissements (on pense par exemple aux scènes nationales ou aux centres dramatiques nationaux), les directeurs (trices) assurent conjointement la programmation des saisons. À cet endroit, la mission de prescription est donc adossée à celle de management des équipes des lieux et d'employeur des compagnies et des techniciens intermittents.

De façon plus générale, dans la mesure où il (ou elle) sélectionne des spectacles, tout programmateur est donc -en totalité ou partiellement- un employeur.

Conséquemment à ces trois points, on comprend que la programmation de spectacles publics se situe à l'interface de plusieurs terrains :

- entre les œuvres et les spectateurs

- entre le politique et les électeurs

- entre l'État ou les collectivités publiques et les personnes employées en permanence ou par intermittence dans les institutions publiques.

En somme, les programmateurs ont la (redoutable) mission de transmettre de l'universel (ce que d'aucun-es appelleraient des “valeurs”) à des particuliers et, réciproquement, leur mission consiste à convertir des formes locales (un lieu, un artiste, une œuvre) en intérêt général.

C'est probablement à cause de la conjonction de ces responsabilités, du moins c'est une des hypothèses que nous formulons, que la programmation publique de spectacles semble représenter de façon croissante la politique culturelle dans l'espace public, participant du coup à la définition aussi bien intellectuelle que matérielle de l'espace public. Par ailleurs, dans un monde où l'essor de la consommation culturelle domestique, par exemple celle de musique et de cinéma, des médias et du Web interrogent les fondements de la politique publique et alors même que la démocratisation culturelle semble marquer quelque peu le pas (Fabiani 2004), il serait utile (urgent ?) de mieux comprendre cette forme de prescription culturelle à laquelle les sciences sociales n'ont pour l'instant guère prêté attention.


II MÉTHODOLOGIE ET DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

1 Documenter un monde et ses différents acteurs

Pour mieux comprendre cette fabrique, nous proposons d'entreprendre une étude consacrée à la programmation de spectacles dans les dispositifs publics et plus particulièrement aux personnes qui font vivre ces dispositifs. Pour ce faire, cette recherche s'intéressera

• aux parcours individuels d'une série de programmateurs-trices

• aux diverses techniques (matérielles et intellectuelles), corpus, réseaux, formels et informels, que ces praticien-nes mobilisent pour repérer, sélectionner et promouvoir des spectacles

• à la carrière de spectacles choisis par les membres du panel.

Le panel comprendra une trentaine de programmateurs et programmatrices opérant dans des contextes, des dispositifs, des temporalités et des domaines artistiques variés, et si possible de plusieurs générations et paritaire.

Le travail de recherche mené par l'équipe impliquera également la constitution d'un corpus de textes ayant trait à la programmation et au spectacle vivant, l'établissement d'une base de données de spectacles programmés par les membres du panel. Enfin, nombre des analyses seront menées avec les logiciels RéseauLu, Rezodience, Concept Flow (en version béta) et IssueCrawler.

Partisans d'une approche compréhensive des acteurs et d'une démarche résolument partenariale, nous proposons de mener cette étude en concertation avec des structures et organismes qui se consacrent et réfléchissent à la politique culturelle : réseaux nationaux et régionaux dédiés à la programmation de spectacles dans la sphère publique, association de professionnels, collectivités territoriales, mandataires des politiques culturelles publiques, associations d'usagers.

Cette enquête se déroulera dans la Région des Pays de la Loire et dans la métropole nantaise et pourra être complétée par quelques études circonstanciées dans d'autres territoires.

Parcours individuels : entretiens semi-directifs avec les programmateurs-trices du panel

Dans un premier temps, il sera intéressant de documenter les voies par lesquelles on devient programmateur puis comment se forge sa compétence.

Cette première partie biographique sera complétée par des questions touchant à la façon dont les membres du panel conçoivent leur travail, les différents réseaux professionnels et/ou informels, ressources et opérations qu'ils (elles) mobilisent tout au long de l'année pour opérer des choix et aboutir à une programmation. L'entretien portera également sur les différents acteurs locaux et extra-locaux avec qui les programmateurs collaborent et doivent négocier (artistes, élus, équipes techniques, presse, spectateurs, associations, tutelles, associations d'usagers, sponsors etc.). Ces monographies devraient permettre de mieux comprendre, d'une part, si des points communs et/ou des divergences de conception apparaissent entre des programmateurs travaillant dans des dispositifs et des domaines artistiques dissemblables et, d'autre part, de préciser les divers outils -intellectuels, humains, organisationnels- grâce auxquels les programmations s'opèrent. Chaque portrait sera complété par une description du dispositif (établissement “en dur”, festival, organisme de politique culturelle organisant une programmation nomade, structure externe officiant pour le compte d'une institution, direction des affaires culturelles etc.) au sein duquel les membres du panel travaillent.

Ethnographie des praticiens de la programmation en action

Il existe certainement des points communs entre l'entrepreneur cherchant à déterminer si un produit peut trouver un débouché sur un marché (Schumpeter 1999), le producteur qui supervise l'enregistrement d'un disque en studio (Hennion 1981) et le commissaire priseur examinant un objet pour déterminer sa provenance et sa valeur (Bessy & Chateauraynaud 1995). À chaque fois, ces experts mobilisent leur expérience pour comparer l'objet -devant eux ou en devenir- avec d'autres objets qu'ils ont déjà rencontrés et, à partir de là, tentent de déterminer la valeur (que le public pourrait attribuer à) de l'objet. Dans tous les cas, ces experts déterminent la valeur des choses en balançant leurs propres émotions et celles qu'ils imaginent pouvoir être celles d'un plus grand nombre. On peut raisonnablement supposer que les programmateurs procèdent selon des modalités sinon identiques du moins analogues, à savoir qu'ils (elles) comparent un spectacle (à venir ou déjà créé) en utilisant le répertoire des spectacles qu'ils connaissent et tentent de s'imaginer son impact sur le public, de voir en quoi celui-ci fait sens dans la programmation de la saison.

Pour comprendre comment s'opère cette transmutation qui fait d'un projet de spectacle particulier un spectacle que l'on choisit de programmer, nous proposons de compléter les entretiens par une dizaine d'ethnographies menées in vivo. Celles-ci consisteront à accompagner des programmateurs lors de leurs déplacements pour aller voir/entendre des spectacles et à observer au bureau les différentes phases de sélection des spectacles ; examens des dossiers reçus par la poste, rendez-vous avec des artistes et/ou des collègues (notamment lors des réunions régionales et nationales de programmateurs et/ou de rencontres informelles), observations de la réputation des artistes sur le Net et dans la presse, réunions collectives de programmation, simulations de saison, etc. Lors de ces observations (qui pourraient être participantes), l'équipe de recherche sera non seulement attentive aux formes discursives et aux divers types d'écrits échangés mais également aux dispositifs graphiques (tableaux, plaquettes, schémas) et aux supports sonores et audiovisuels (notamment les captations de spectacles). Enfin, on prêtera également attention aux petites mains (Denis et Pontille 2010) de la programmation ; assistants, secrétariat, expertises des directions techniques, éclaireurs envoyés en reconnaissance, proches mobilisés, collègues etc.

Retracer la carrière des spectacles programmés

Dans un même ordre d'idées, une base de données comprenant les spectacles programmés dans les quatre dernières années par les personnes du panel sera constituée, les informations étant collectées de trois façons ;

- en ligne grâce à des méthodes de recueil de données sur les sites Web forgées par Andreï Mogoutov et François Ribac lors d'une recherche précédente (Ribac 2010)

- à partir d'informations rassemblées par le Ministère de la Culture et des organismes dédiés aux ressources publiques (par ex. Centre National du Théâtre, Irma etc.)

- grâce aux plaquettes de saison des structures où travaillent (ou ont travaillé) les membres du panel.

Après quoi, une série de données sémantiques, visuelles, géographiques se rapportant aux spectacles pourront être assemblées dans des tableurs et traitées par le logiciel RéseauLu sous forme de cartes de réseaux (voir descriptif plus bas). Dans un même ordre d'idées -et en utilisant les mêmes sources- on réunira également des données sur ces mêmes spectacles lorsqu'ils auront été présentés dans d'autres structures.

Le premier objectif de ces analyses de données est, d'abord, de comprendre si l'on peut repérer ou non une signature associée à un(e) programmateur(trice) et à une structure, puis de comparer les différentes cartographies individuelles.

Dans un deuxième temps, l'analyse conjointe des lieux où un spectacle a été présenté et des traces qu'il a laissées sur le Net pourra aider à mieux saisir sa carrière.

Donner à voir les réseaux formels et informels, territoriaux et extra territoriaux au sein desquels une programmation s'insère

Le logiciel RéseauLu -conçu et développé par Andreï Mogoutov- et que François Ribac a déjà utilisé lors de deux recherches de terrain précédentes (Ribac 2007, 2010), permet d'une part, de visualiser sous forme de cartes de réseaux des couches d'analyses statistiques et, d'autre part, de combiner des données recueillies sur le Web avec d'autres données. L'intérêt de cette technique consiste notamment à pouvoir traiter et visualiser des données hétérogènes, extraites des entretiens et/ou de brochures de saison par exemple, un parti pris particulièrement intéressant lorsqu'il s'agit de rendre compte des nombreuses ressources -cognitives, organisationnelles, factuelles, écrites, numériques, collégiales- que les programmateurs mobilisent pour effectuer leurs choix. Ainsi, les cartes de réseaux peuvent par exemple représenter simultanément sur un plan, des déplacements pour aller assister à des représentations, la participation à des réunions de réseaux de programmateurs, des rendez-vous avec des équipes artistiques, un article de presse et/ou un site qui ont attiré leur l'attention, des motivations générales exprimées lors de l'entretien etc. De plus, ce mode d'analyse permet également de pouvoir comparer des cartes, par exemple les cartes élaborées pour un programmateur de danse et pour un programmateur de théâtre. Plus généralement, les cartes de réseaux font apparaître des convergences/divergences non perçues pendant et à l'issue de l'enquête. Last but not least, il nous semble qu'il est d'autant plus intéressant d'utiliser des outils d'analyse des réseaux techniques et humains dans un contexte où, justement, la notion et l'organisation en réseaux sont si prégnantes et revendiquées comme telles par les acteurs.

En combinant les données recueillies grâce aux logiciels avec celles collectées durant les entretiens et les observations ethnographiques, nous pourrons mettre à jour les différents types d'outils (intellectuels, matériels, pratiques, institutionnels, amicaux, réputationnels) qu'un-e- programmateur-trice met en œuvre et combine au jour le jour. À partir de là, on devrait mieux comprendre les façons par lesquelles des spectacles sont élus ou éliminés et mieux encore si l'on peut repérer ou non des façons communes et/ou des différences marquantes de programmer selon l'endroit où l'on travaille et les domaines où l'on exerce.

De ce fait, il nous semble pertinent de mener notre enquête au sein d'une métropole et d'une région, une double échelle qui comprend des terrains très variés tant du point de vue géographique et urbanistique que de la nature des dispositifs de programmation. Une option qui a également l'avantage d'imbriquer des réalités territoriales qui comptent aussi bien dans les représentations mentales de l'espace commun que comme cadres concrets de l'action publique, et qui devrait également contribuer à rendre visibles des réseaux locaux qu'une enquête menée aux quatre coins de l'hexagone percevrait sans doute moins.

Synthèse des données collectées

L'enquête permettra de rassembler un certain nombre de données collectées qui seront analysées collectivement par l’équipe de recherche :

- des transcriptions intégrales des entretiens individuels.

- des carnets ethnographiques -comprenant des photos et des notes- établis en aval et en amont des entretiens et des ethnographies.

- des images et textes rassemblés lors de l'enquête.

- des données collectées sur la Toile et lors des entretiens, et en particulier celles relatives à la circulation des spectacles.

Après quoi, diverses synthèses seront produites (résumés, cartographies de type géographique et/ou de réseaux, arborescences des spectacles associés à des programmateurs ) et comparées.

Phases de travail et durée de l'étude

La réalisation de l’enquête de terrain s’étalera sur quatorze mois, période pendant laquelle se déroulera en parallèle, un séminaire public (voir ci-dessous). Trois rapports d'étape comprenant également des données brutes telles que cartes, entretiens in extenso, croquis, photographies etc. seront présentés à un comité de pilotage à l'issue des mois 6, 12 et 16. Huit mois supplémentaires seront nécessaires pour passer de ces résultats au rapport final. La durée totale de la recherche sera donc de 24 mois.

2 Pour une coproduction de l'enquête

a) Séminaire

En parallèle à l'enquête de terrain, un séminaire de recherche sera mis en place. Lieu de débats et d'évaluation des différentes étapes de la recherche, ce séminaire aura néanmoins pour vocation principale d'inviter des chercheurs extérieurs et/ou des professionnels à faire part de leurs expériences et ainsi à nourrir en amont le travail de terrain et plus généralement la réflexion sur les modalités de la prescription. Ce séminaire sera animé par les membres de l'équipe de recherche à Paris et/ou à Nantes.

b) Comité de pilotage

Par ailleurs, nous mettrons en place un comité de pilotage comprenant les commanditaires de cette enquête et des intervenants extérieurs : professionnels de la programmation, universitaires, institutions, profanes...

c) Blog consacré à la recherche

Enfin, dès les débuts de l'enquête, nous proposons de créer un blog sur lequel seront déposées des données collectées et/ou établies lors de l'enquête (cartes, entretiens in extenso, séries de liens, arborescences, croquis, photos etc.), des liens vers d'autre sites et les textes rédigés par l'équipe de recherche. Ce site serait bien évidemment consultable par les membres du comité de pilotage mais aussi par tout un chacun. Dans la mesure où une telle recherche a pour vocation de nourrir la réflexion d'acteurs publics, on peut imaginer qu'une telle mise à disposition pourrait favoriser l'appropriation (et le débat à propos) d'un tel travail.

3 Résultats escomptés et diffusion des travaux

Un tel projet de recherche devrait aider à une meilleure compréhension de la programmation et des procédures spécifiques mises en œuvre selon les contextes et les situations ; il pourra contribuer utilement aux débats en cours sur les politiques publiques culturelles et les missions des institutions qui en ont la charge. De même, l'observation de la carrière des spectacles pourra être utile aux réseaux de programmateurs et aux différents acteurs qui collaborent avec eux. Dans cette perspective, le rapport de recherche pourrait servir de point de départ à des séminaires de travail impliquant divers acteurs des politiques culturelles publiques et être présenté lors de rencontres de professionnels du spectacle. La publication d’une synthèse sous la forme d'un livre est envisagée dans une collection dédiée aux travaux ethnographiques, à la sociologie ou aux sciences politiques.

Au-delà de la seule sphère culturelle, on peut penser qu'une étude touchant aux modalités d'une forme d'expertise pourra utilement contribuer aux débats sur le rôle de l'action publique et sur la manière dont celle-ci est élaborée.

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